Dans le paysage télévisuel francophone, certaines séries parviennent à ébranler nos perceptions, à nous pousser à voir le monde autrement. En mettant en lumière des personnages en situation de handicap, ces œuvres défient les stéréotypes et nous offrent une vision plus juste et inclusive de la société. Parmi ces séries, “Astrid et Raphaëlle”, “Les bracelets rouges”, “Handicops”, “Lycée Toulouse-Lautrec”, “Caïn” et “Vestiaires” se distinguent par leur approche audacieuse et leur capacité à susciter l’émotion, l’humour et la réflexion.
Dans cet article, nous vous invitons à découvrir ou redécouvrir ces six séries francophones qui changent notre regard sur le handicap et qui offrent des récits inspirants et pleins d’espoir pour vos enfants.
Genre : Thriller policier
Nombre de saisons : 4
Nombre d’épisodes : 33
Première diffusion : 2019
Avec : Sara Mortensen et Lola Dewaere
Lorsque le commandant Raphaëlle Coste s’adresse au service des archives judiciaires de la police pour une de ses enquêtes, elle ne se doute pas qu’elle va rencontrer une jeune femme aussi brillante que déroutante, mémoire vivante des enquêtes criminelles, Astrid Nielsen signe particulier : autiste. Les deux femmes apprennent alors à travailler ensemble, liant une véritable amitié qui va bien au-delà de leur travail.
Astrid et Raphaëlle connaît un succès sans faille avec des audiences en hausse à chaque saison. Ainsi, elle se classe à la 6e place des séries françaises les plus regardées en France. D’ailleurs, ce succès s’exporte aussi à l’international puisque la série a été vendue dans plus de 80 pays. Elle aura même le droit à un remake américain !
Cette série policière franco-belge de 4 saisons plaît grâce à son universalité et son originalité. Le polar de manière générale est apprécié par le public, d’autant plus lorsque les enquêtes s’apparentent à de véritables énigmes et puzzles logiques que Astrid aime tant. Loin des ambiances macabres et angoissantes d’autres séries thriller, la force d’Astrid et Raphaëlle réside dans son humour omniprésent et ses épisodes décalés où fantômes et vampires sont au centre des enquêtes.
Nous adorons également la relation unique qui lie Astrid, qui a besoin de suivre règles et rituels, et Raphaëlle qui a plutôt tendance à défier ces mêmes règles et l’autorité. Malgré ces différences, les deux protagonistes se lient rapidement d’une réelle amitié construite sur la confiance, la protection et les confidences.
Une attention particulière a été accordée pour représenter le plus justement possible l’autisme. Astrid et Raphaëlle n’est pas une série sur l’autisme, c’est simplement une série où l’un des personnages est autiste. Alexandre De Seguins, scénariste de la série, a lu de nombreux livres de témoignages sur l’autisme, par exemple Ma vie d’Autiste de Temple Grandin, professeure de sciences animales aux Etats-Unis, pour réussir à bien représenter le quotidien et les réactions d’Astrid. Il a également rencontré Josef Schovanec, philosophe et écrivain autiste. Des dizaines de personnes autistes ont lu et commenté les textes des épisodes avant les tournages. En effet, ils ne voulaient pas tomber dans les pièges et clichés que peuvent véhiculer des séries et films qui voudraient davantage traiter l’autisme comme une curiosité.
D’autres personnes porteuses d’un trouble du spectre autistique ont participé à la création de cette série à succès. L’un des trois co-auteurs de la série est autiste asperger, et Hugo Horiot joue un personnage neurotypique dans l’épisode 7 de la saison 1. Le groupe de parole auquel assiste Astrid dans la série est également composé en partie de comédiens autistes.
Même si Sarah Mortensen, interprète de Astrid, est neurotypique, elle livre une performance crédible de l’autisme. Consciente qu’il existe autant d’autismes que d’autistes, l’actrice franco-norvégienne a rencontré des associations d’autistes et leurs familles afin d’adapter la gestuelle et la façon de parler de son personnage.
• Sur France TV
Genre : Fiction
Nombre de saisons : 4
Nombre d’épisodes : 28
Première diffusion : 2018
Avec : Tom Rivoire, Audran Cattin, Azize Diabaté, Louna Espinosa…
Malgré les maladies dont ils souffrent, six adolescents forment la bande des Bracelets rouges et ils sont bien décidés à vivre à fond leur vie, même si elle se déroule à l’hôpital. Ils vont vivre des épreuves qui vont changer leur existence.
Cette série est tirée d’une histoire vraie, celle d’Albert Espinosa Puig, un ingénieur industriel, écrivain, acteur et réalisateur de cinéma espagnol. Le barcelonais a grandi dans un hôpital, de ses 14 à 24 ans, suite à trois cancers. Pendant ces longues années, le jeune homme s’est lié d’amitié avec d’autres enfants malades et ensemble ils ont formé le club des “Bracelets rouges” afin de survivre à l’ennui de l’hôpital. Albert Espinosa se confiait en 2018 au Parisien : “Ce que j’ai appris à l’hôpital, c’est que ce n’est pas triste de mourir, mais c’est horriblement triste de ne pas vivre sa vie avec intensité”.
En 2007, il dévoile cette partie de vie dans un livre, Le Monde soleil. Ce dernier sera transformé en scénario pour série télé trois années plus tard. Le succès est au rendez-vous et la série s’exporte dans de nombreux pays. Steven Spielberg produira la première saison de la version américaine : Red Band Society. L’auteur tire sa fierté, non pas dans le succès des audiences, mais dans l’évolution du regard porté sur les enfants malades qui ne sont pas “de pauvres petits mourants” mais bien “des héros drôles et intensément vivants”.
Albert Espinosa ne fait pas les choses à moitié. Il a pris des cours de français et de diction afin de venir en France pour raconter son histoire au réalisateur et acteurs de l’adaptation française.
La série a reçu un excellent accueil, notamment parce qu’elle a réussi à aborder un dur thème mais à le tourner vers la lumière, juste équilibre entre humour et émotion, légèreté et gravité.
Genre : Policier
Nombre de saisons : 1
Nombre d’épisodes : 8
Première diffusion : 2022
Avec : Alexandre Philip, Philippe Sivy, Jean-Yves Tual, Nadine Moret…
En avril 2022, dans le cadre de la “loi Handicap” de 2005, la Présidente de la République crée une unité inédite appelée Les Handicops, composée d’agents en situation de handicap. Surnommés ainsi dans les couloirs du commissariat, ces membres atypiques doivent faire face au manque d’expérience de certains et à l’ego surdimensionné des autres. Leur mission, malgré les défis, est de montrer leurs compétences uniques. Sous la surveillance d’un agent de l’IGPN chargé d’évaluer leur performance, l’équipe se voit confier une mission cruciale par le ministère de l’intérieur. Rejoints par trois membres de la BRI déterminés à les défier, les Handicops doivent faire preuve d’ingéniosité et de solidarité pour réussir leur mission.
Handicops est une série déjantée portée par des comédiens qui ont chacun leur handicap : Philippe Sivy, Jean-Yves Tual, Héloïse Gaubert, Nadine Moret et Alexandre Philip.
Cette mini-série bouscule les idées reçues et permet de s’intéresser à tout ce que les héros handicapés ont en plus et non en moins. L’écriture est plus que réussie et offre des moments de satire acerbe et des scènes d’actions improbables. De nombreuses situations vécues pendant les épisodes font référence, avec subtilité et humour, aux difficultés rencontrées par les personnes handicapées dans leur quotidien. Nous notons que le mot “handicap” est peu employé par les acteurs, car dans la brigade des Handicops c’est l’humour qui prime et qui est central. Malgré les quelques 8 épisodes de 3 minutes, les forces d’écriture et de jeu sont telles que l’on s’attache directement aux personnages.
Le seul défaut de cette série aux allures de sitcom, est qu’elle est trop courte, on espère une suite sans trop tarder !
Genre : Comédie dramatique
Nombre de saisons : 2
Nombre d’épisodes : 12
Première diffusion : 2022
Avec : Chine Thybaud, Ness Merad, Adil Dehbi, Max Baissette de Malglaive…
Victoire, suite au divorce de ses parents, se retrouve contrainte de changer de ville, de vie et de lycée. Accompagnant son frère Théo, épileptique et considéré comme un miraculé depuis un accident, elle intègre le lycée Toulouse Lautrec, mêlant élèves en situation de handicap et valides. Nommée référente de Marie-Antoinette, une jeune fille tétraplégique, Victoire devient la bête noire du lycée après avoir diffusé une vidéo insultante. Cependant, au fil du temps, elle dépasse ses préjugés et développe des liens forts avec ses camarades.
Pari osé mais réussi pour cette série dont les héros sont des lycéens handicapés dans un établissement spécialisé : le lycée Toulouse-Lautrec. Ici l’inclusion est inversée, la majorité des élèves, et des acteurs, sont en situation de handicap.
De vraies thématiques sont traitées depuis la première saison (deuil, souffrance physique, drogue, médecine illégale, résilience…) avec profondeur pour briser les tabous avec une approche mature. Ces sujets complexes sont traités avec émotion et bienveillance mais l’humour reste toujours au rendez-vous.
Fanny Ridberger, autrice de la série, s’est inspirée de sa propre expérience dans le véritable lycée Toulouse-Lautrec. Elle s’attache donc à défendre cet établissement public qu’elle affectionne tant et qui lui a donné cet intérêt pour la question du handicap et favoriser l’autonomie des enfants polyhandicapés. Grâce au succès de la série, le véritable lycée, longtemps menacé de fermeture à cause de son coût, a reçu la visite de la ministre déléguée au Handicap de l’époque, Geneviève Darrieussecq, et n’est plus menacé actuellement. Dans les années 80, ce lycée était un prototype et devait être ensuite mis en place dans chaque région, ce qui n’a jamais été fait. L’autrice affirme que cet établissement n’est pas “LA solution mais c’en est une” et se questionne sur l’école 100% inclusive.
Le tournage de cette série a permis aux acteurs, notamment Ness Merad et Hippolyte Zaremba, de gagner confiance en eux et d’assumer pleinement leur handicap.
• Sur TF1
• Sur RTBF Auvio
Genre : Policier
Nombre de saisons : 8
Nombre d’épisodes : 68
Première diffusion : 2012
Avec : Julien Baumgartner, Bruno Debrandt, Julie Delarme, Frédéric Pellegeay…
Le capitaine Frédéric Caïn est en fauteuil roulant depuis un accident de moto dont il est seul responsable (il était sous emprise de stupéfiants et en excès de vitesse). Avec son humour noir et grinçant, il est exécrable avec les « bipèdes » — comme il les appelle — qui vivent autour de lui, et le lieutenant Lucie Delambre est la seule qui a pour le moment réussi à le supporter comme partenaire. Sa vie privée tourne autour de son ex-épouse Gaëlle et de son fils Ben.
Bertrand Arthuys, réalisateur et auteur, a toujours eu envie de raconter une histoire autour du handicap. En effet, deux de ses amis sont devenus handicapés suite à un accident. L’écriture et la préparation de la série ont duré trois années. Fabrice Malaval, comédien handicapé, a pu intervenir en tant que conseiller technique de la série.
Les intrigues peuvent laisser à désirer mais l’humour noir du personnage principal incarné par Bruno Debrandt ne laisse pas indifférent. Caïn est conscient de son handicap, mais loin de le cacher, il le met en avant, en joue même. Son attitude déconcertante laisse perplexe car on ne sait jamais s’il en souffre. Caïn ne se résume pas à un personnage négatif, il incarne plutôt une ambiguïté intrigante. Ayant frôlé la mort, il connaît le prix de la vie et en tant que policier enquêtant sur des morts, il se permet donc de passer outre toutes les convenances pour ne pas perdre de temps.
Genre : Humoristique
Nombre de saisons : 13
Nombre d’épisodes : 600
Première diffusion : 2011
Avec : Adda Abdelli, Alexandre Philip, Luc Rodriguez, Philippe Sivy…
Romy et Orson, deux nageurs handicapés, se retrouvent chaque semaine pour leur entraînement, et nous font partager leur vision du monde pleine d’humour et de dérision.
Adda Abdelli et Fabrice Chanut, auteurs et nageurs dans un club handisport de Marseille, ont trouvé l’idée de Vestiaires suite à une conversation entendue entre deux nageurs handi. Les épisodes courts de deux minutes mettent en scène des conversations d’après-entraînement où rien n’est tabou et tout est prétexte à la dérision ! Nous pouvons retrouver plusieurs personnages hauts en couleurs : Romy le dernier poliomyélite de sa génération, Orson atteint d’une agénésie de la main, Caro qui suite à un AVC dans son enfance a perdu la mobilité de son bras droit, Ramirez atteint d’infirmité motrice cérébrale…
Ce qui est sûr c’est que cet humour sans filtre permet à la série de s’affranchir des codes du politiquement correct !
En explorant le quotidien, les défis et les triomphes des personnages en situation de handicap, ces séries francophones ne se contentent pas de divertir, elles éduquent, elles inspirent et elles rassemblent. À travers des histoires authentiques, des performances remarquables et une écriture soignée, ces œuvres célèbrent la diversité.
Crédits :
Didier, C. (2020, 16 juin). « Astrid et Raphaëlle » sur France 2 : leurs enquêtes sont de sacrés casse-têtes ! leparisien.fr.
Franceinfo. (2024, 3 mars). « Lycée Toulouse-Lautrec » , saison 2 : un modèle de série populaire française. Franceinfo.
Handicap.fr. (2024, 3 mars). Le lycée Toulouse-Lautrec fait sa rentrée le 4 mars sur TF1 !
« Handicops » . (s. d.). France Tv & Vous.
Jamet, C. (2019, 12 avril). Faut-il regarder Astrid et Raphaëlle, le nouveau duo policier de France 2 ? TV Magazine.
Poitte, I. (2020, 8 décembre). “Vestiaires” : une série cash mais pas trash sur le handicap. Télérama.
Stadler, S. (2020, 22 avril). Albert Espinosa, survivant heureux et auteur des « Bracelets rouges » . leparisien.fr.
Wood, A. (2015, 2 avril). Caïn : rencontre avec les scénaristes de la série de France 2. Brain Damaged.